Ora et labora

La question du travail a été abordée lors de la dernière campagne des élections présidentielles. Il est clair que les différents candidats ne portaient pas le même regard sur ora et laboracette réalité qui occupe le tiers de la vie de l’homme. La fête du 1er mai à Espaly a été l’occasion de la considérer sous un autre éclairage.

Il est temps de dépasser la vision du travail vécu comme une conséquence du péché originel, comme le fruit d’une sanction ou le remède au péché grave qu’est la paresse. Souvent détourné de son sens voire même utilisé pour réduire l’homme à l’esclavage (« le travail rend libre » lisait-on dans les camps de concentration), il ne peut jamais être la finalité d’une vie mais seulement un moyen, un moyen pour vivre et préparer la finalité de tout homme qu’est la vie éternelle.

Écrit dans un contexte troublé (1941), le merveilleux texte de Madeleine Delbrêl (1904-1964) n’a pas pris une ride. Avec fraîcheur et simplicité, l’assistante sociale d’Ivry-sur-Seine, en banlieue parisienne, nous redit la valeur essentielle du travail.

Se sanctifier par le travail n’implique pas que cette activité soit forcément pénible. Envisager le travail comme l’occasion d’un épanouissement personnel voire davantage, comme un lieu privilégié de sainteté, n’est pas réservé à une élite spirituelle ou à un groupe d’idéalistes. Cela ouvre à l’homme une possibilité de vivre autrement « ce qui permet de le faire vivre ». Le travail, ce n’est pas seulement la « santé » mais le moyen d’une « vraie santé spirituelle ».

Il suffit de considérer toute la place accordée au travail dans la vie monastique. Il ne s’agit pas simplement d’assurer un moyen de subsistance ou d’occuper la journée des moines et moniales en évitant l’ennui, mais c’est un moyen de rejoindre le Christ. On comprend mieux la devise de saint Benoît, donnée à ses fils : Ora et labora (Prie et travaille).

L’atelier de Nazareth, avec Joseph et plus tard sans lui, a pour chacun d’entre nous, une valeur exemplaire. Avant de prêcher, de faire des miracles, tout en vivant sur la générosité de quelques disciples, le Christ a d’abord travaillé, beaucoup travaillé. Il a redonné au travail et particulièrement au travail manuel, toute sa valeur. Il est capital de rechercher la compagnie du Christ au travail car « le fils du charpentier » en connaît les joies et les grandeurs, les difficultés et les souffrances. Ses mains clouées sur le bois portent les traces du travail du bois. Avant de s’offrir sur la Croix, il a commencé par nous sauver en travaillant.

Joseph a été le témoin silencieux et émerveillé du Christ au travail : Dieu ne l’a pas choisi seulement pour nourrir son Fils mais aussi pour lui apprendre un métier et lui permettre de rejoindre ainsi tout homme au travail.

Joseph est notre gardien, notre complice : que sa douce intercession nous rejoigne dans tous nos lieux de travail.

Publié dans Saint Joseph.