Fête du Christ Roi

Frères et sœurs,

Il est assez fréquent d’entendre insister le jour de la solennité du Christ Roi que, si le Christ est appelé Roi de l’univers, il doit avant tout régner dans les cœurs, parce-que son royaume est spirituel et non temporel.

Pourtant, une telle affirmation ne correspond pas au contenu de l’encyclique Quas primas rédigée par le pape Pie XI en 1925, sur la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ et par laquelle il a institué la fête du Christ Roi.
Pie XI affirme en effet dans le préambule de son encyclique :
« Nous proclamions ouvertement deux choses : l’une, que ce débordement de maux sur l’univers provenait de ce que la plupart des hommes avaient écarté Jésus-Christ et sa loi très sainte des habitudes de leur vie individuelle aussi bien que de leur vie familiale et de leur vie publique ; l’autre, que jamais ne pourrait luire une ferme espérance de paix durable entre les peuples tant que les individus et les nations refuseraient de reconnaître et de proclamer la souveraineté de Notre Sauveur ».

Concernant la nature de cette royauté, Pie XI ajoute que « le Christ Jésus a été donné aux hommes à la fois comme Rédempteur, de qui ils doivent attendre leur salut, comme Législateur, à qui ils sont tenus d’obéir, et comme juge. Oui, « le Père, dit Jésus dans l’Évangile selon saint Jean (5, 22), ne juge personne, mais il a donné au Fils tout jugement ».

Alors, il est vrai que le Royaume de Jésus est avant tout et directement spirituel. Quand les juifs, et même les Apôtres, s’imaginent à tort que le Messie affranchira son peuple et restaurera le royaume d’Israël, il détruit cette illusion et leur enlève ce vain espoir ; lorsque la foule qui l’entoure veut, dans son enthousiasme, le proclamer roi, il se dérobe à ce titre et à ces honneurs par la fuite et en se tenant caché ; devant le gouverneur romain, encore, il déclare que son royaume n’est pas de ce monde. Et personne ne peut entrer dans ce royaume sans la foi et sans le baptême, réalités purement surnaturelles.

Pourtant, ce serait une erreur de refuser à notre Sauveur la Souveraineté sur les choses temporelles car le pouvoir de Jésus-Christ est universel, même s’il ne s’exerce que de façon indirecte sur les sociétés, qu’elles soient familiales ou nationales. Même si nous sommes tenus de distinguer le pouvoir spirituel du pouvoir temporel, que nous devons rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Il est tout aussi vrai que tout appartient à Dieu et que le pouvoir temporel n’a de légitimité que s’il se conforme aux lois de Dieu. C’est en cela que doit s’exercer la royauté du Christ sur les sociétés ; par la soumission de celles-ci aux lois établies par Dieu depuis toute éternité, car aucune partie de la création n’échappe à la souveraineté de Dieu. Autrement, cela reviendrait à détacher de l’unique Créateur une partie de la Création.
Alors, pouvoir direct dans l’ordre des réalités spirituelles et pouvoir indirect dans l’ordre des réalités temporelles, mais pouvoir réel sur les deux.

Pourquoi insister particulièrement sur cette royauté sociale de Notre Seigneur ? Et bien parce qu’il y va de la concorde universelle, de la paix entre les peuples, du bien général et, par conséquent, du salut des hommes. Ceci est parfaitement résumé par cette parole d’un grand serviteur de Dieu et de la France, le cardinal Pie, évêque de Poitiers au début du XXe siècle. Il disait : « Si le Christ ne règne par les bienfaits de sa présence, il règne par les méfaits de son absence, mais il règne ».
Tout est dit frères et sœurs, et nous en sommes les témoins privilégiés, si j’ose parler ainsi, car, si nous sommes parfois témoins des merveilles de Dieu dans la création, nous sommes aussi trop souvent témoins des méfaits de l’absence du Christ dans notre société actuelle et ses institutions. Inutile d’en faire la liste ici.

Alors faut-il désespérer et voir comme une fatalité la tournure que prennent les événements ? Évidemment non, car si le Christ n’exerce pas son influence bienfaisante sur les sociétés, c’est sans aucun doute à cause du peu de foi des chrétiens qui ne connaissent pas assez ou qui ne mettent pas assez en pratique les enseignements de Notre Seigneur. Sommes-nous assez réactifs face aux attaques du monde et du Démon contre la Création de Dieu et contre ses desseins salvifiques ?
Si toute la création doit être restaurée en Jésus-Christ, afin que « Dieu soit tout en tous », comme nous le dit Saint Paul, nous devons participer activement à cette œuvre de restauration, par le souci de rendre toujours plus cohérentes notre vie spirituelle et morale, et notre vie sociale. Dieu n’agira pas sans nous, et nous ne pourrons réussir sans Dieu.

Frères et sœurs, terminons par cette prière du pape Pie XI, tirée de la même encyclique, qui nous indique le but de notre combat pour le règne universel de Jésus-Christ :
« Plaise à Dieu, Vénérables Frères, que les hommes qui vivent hors de l’Église recherchent et acceptent pour leur salut le joug suave du Christ ! Quant à nous tous, qui, par un dessein de la divine miséricorde, habitons sa maison, fasse le ciel que nous portions ce joug non pas à contre-coeur, mais ardemment, amoureusement, saintement ! Ainsi nous récolterons les heureux fruits d’une vie conforme aux lois du royaume divin. Reconnus par le Christ pour de bons et fidèles serviteurs de son royaume terrestre, nous participerons ensuite, avec lui, à la félicité et à la gloire sans fin de son royaume céleste. »

Amen.

Père Fabrice Letellier (OSV)

Publié dans Homélies.