La joie de saint Joseph

Homélie prononcée par le Père Olivier MABILLE, vice-recteur du sanctuaire d’Espaly le 19 mars 2015.

Nous sommes invités aujourd’hui à entrer dans la joie de Joseph de Nazareth. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est sa fête. Connaissez-vous… les surprises et les péripéties auxquelles il a fait face. Il y en a sept et nous les trouvons gravées sur le marbre dans la sacristie de la Grotte. Elles deviennent pour lui une source limpide de joie et d’allégresse :

– L’Annonce à Joseph ;
– La Nativité à Bethléem ;
– La visite des bergers ;
– La visite de Mages ;
– La présentation de Jésus au Temple ;
– La Fuite en Égypte ;
– Le Recouvrement de Jésus au Temple.

Saint Mathieu nous donne l’origine de sa joie : « Joseph fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit et il prit chez lui Marie son épouse ». Ce premier “il fit” devint le commencement du chemin de sa joie : il est appelé à veiller sur le Rédempteur… Les Pères de l’Église, en s’inspirant de l’Évangile, ont bien montré que saint Joseph a pris joyeusement soin de Marie et s’est consacré joyeusement à l’éducation de Jésus.

Au cours de sa vie, qui fut un pèlerinage dans la foi, Joseph resta fidèle à l’appel de Dieu.
Tout au long de ce chemin, aucune parole de Joseph n’apparaît dans les évangiles. Ce silence a une portée particulière qui permet de saisir la vérité contenue dans le qualificatif donné par saint-Matthieu sur Joseph : le “juste”. L’homme juste de Nazareth possède les caractéristiques très claires de l’époux, parfaitement ajusté à sa mission. Saint Luc présente Marie comme accordée en mariage à Joseph. Avant que soit inauguré dans le sein de Marie l’accomplissement du mystère caché depuis des siècles en Dieu, «  la promesse faîte à Abraham et à nos pères en faveur de sa descendance », saint Mathieu nous présente ici l’image de l’époux et de l’épouse : Marie et Joseph étaient bien « accordés en mariage. »

Pour mieux comprendre encore le mystère de la joie de Joseph, remontons le temps de trois mois, au jour de l’Annonciation. Bien que Marie soit fiancée à Joseph elle est regardée par Dieu, son Père, comme si elle était tout à fait libre, comme si elle était exclusivement à lui… Le fait qu’elle soit fiancée à Joseph ne s’oppose en rien à sa liberté intérieure à l’égard du bon plaisir de Dieu : Il ne peut pas, et ne le veut pas, détruire le lien qui les unit et qu’Il a voulu : Il veut lui donner une dimension nouvelle.

« Levieux La sainte famille » par Reynaud Levieux — Travail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons - http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Levieux_La_sainte_famille.jpg#/media/File:Levieux_La_sainte_famille.jpgQue fait Marie à l’Annonciation ? Dans un acte d’amour, et sans consulter personne, elle lance son
« Fiat » : « voici la servante du Seigneur : qu’il m’advienne selon ta parole. » C’est dans un acte de foi, d’espérance et d’amour que Marie reçoit le secret du Père : le don de son Fils ; elle le reçoit comme une mère reçoit son fils, mais ici dans un mystère de fécondité divine. C’est à travers cette fécondité charnelle que le Père communique le fruit de sa fécondité éternelle.

Marie est seule dans son humble demeure, à Nazareth : elle reçoit ce don dans la solitude de son cœur, dans la pureté de son corps. Elle accepte d’être la mère sans demander conseil à Joseph. Serait-ce une indélicatesse de sa part à son égard ?Sûrement pas ! C’est en fait une marque de confiance : Dieu doit toujours passer devant, et c’est la volonté même du cœur de Joseph, autrement il ne serait pas l’époux de Marie. Elle peut alors garder le secret de Dieu dans le silence, car elle ne doute pas de la fidélité de Joseph qui est fidélité à Dieu et fidélité à elle-même. Marie est seule à porter le poids de la promesse pendant trois mois ; elle entre dans le silence du Verbe qui s’incarne en elle, à travers le tout petit qu’elle porte en son sein virginal et que Jean-Baptiste reconnaît, à la Visitation, en tressaillant d’allégresse dans le sein d’Élisabeth. C’est après trois mois de silence auprès de sa cousine que Marie retourne à Nazareth auprès de Joseph et voilà que l’Évangile de ce jour nous révèle l’inquiétude de Joseph.

Que fait Joseph ? Dans son immense amour pour Marie et son respect pour la volonté de Dieu, il décide «  de la répudier en secret  », pour redonner à Marie toute sa liberté, dans la plus grande discrétion. Voilà l’humilité et la pauvreté de Joseph. Il se trouve devant ce fait : Dieu a agi en Marie sans lui demander son avis ; il doit donc se retirer, laisser Marie libre pour que Dieu puisse continuer d’agir en elle et par elle, comme il le veut. Quant à la prophétie d’Isaïe, cité par saint Mathieu, elle ne parle que de la Vierge concevant et enfantant un fils : Joseph devait donc s’effacer. Si Joseph s’était totalement donné à Marie, Marie avait répondu à ce don en faisant comprendre que Dieu avait tous les droits sur elle et Joseph avait accepté. L’heure était venue pour lui de répondre à son tour. Sans regarder en arrière, Joseph dit son « fiat », en silence, à la volonté de Dieu. Il accepte que Marie passe devant de se retirer dans le silence. On voit dans cette résolution de Joseph tout l’amour qu’il a pour Marie : il l’aime pour elle-même, il l’aime pour que la volonté de Dieu se réalise
en elle. Joseph pensait accomplir la volonté de Dieu, mais voilà que Dieu en a décidé autrement.

Que fait Dieu ? Il envoie son ange pour lui dire sa confiance et son amour en lui disant : «  Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse. ».

Si à Marie est annoncé qu’elle va concevoir et enfanter le Fils du Très-Haut, à Joseph est annoncé qu’il doit prendre chez lui Marie avec celui qu’elle porte, fruit de l’Esprit-Saint. Et Joseph découvre, qu’il doit toujours regarder Marie de la même manière : elle est son épouse. Elle lui est même donnée encore plus qu’auparavant car c’est aussi le fruit de l’Esprit-Saint en elle qu’il doit également recevoir, car ce fruit lui est donné à lui aussi. L’ange le lui fait comprendre : il doit lui donner le nom de « Jésus ». Joseph doit donc exercer une autorité sur Marie (elle est son épouse) et sur celui qu’elle doit enfanter : il doit lui donner son nom propre comme un père donne à son fils son nom, lorsqu’il va le déclarer à l’état civil, comme nous l’avons tous été. Si Marie reçoit en son corps le Verbe éternel de Dieu, Joseph lui donne son nom et ensemble ils le reçoivent en l’accueillant en ce monde, à Bethléem, chacun dans vocation propre.

Ici jaillit la joie qui inonde le cœur de Joseph : la joie de son cœur de pauvre. Il avait tout remis à Dieu en voulant s’éloigner sur la pointe des pieds et voilà que Dieu lui rend le centuple. Il avait choisi comme épouse Marie et Dieu lui donne comme épouse celle qui enfante le Sauveur ; et puisque tout ce qui est à Marie est à Joseph, le fruit de ses entrailles est à lui aussi. Dieu lui donne donc par Marie son Fils bien-aimé pour qu’il soit aussi son Fils. Tout ce que le Père lui a donné, Marie le donne à Joseph.
Un étonnant « climat de silence accompagne tout ce qui se réfère à la figure de Joseph…Ce silence révèle d’une manière spéciale le profil intérieur de cette figure. Les évangélistes parlent exclusivement de ce que fit Joseph ; mais ils permettent de découvrir dans ses actions, enveloppées de quotidiennement en contact avec le mystère caché depuis des siècles, qui “établit” sa demeure sous son toit » écrira Jean-Paul II (Exhortation apostolique Redemporis custos).
À l’école de Joseph, « qui fit ce que l’ange du Seigneur lui prescrit  », nous aussi ne manquons pas de faire ce que Dieu nous prescrit et que l’Église nous enseigne pour emprunter le même chemin de joie : celui de servir le fruit des entrailles de Marie et que nous apprenons chaque jour à nommer avec Joseph : « JÉSUS ».
AMEN !

Publié dans Conférences, enseignements, Homélies.