Chers Frères et Sœurs,
Les trois premiers dimanches nous avons accueillis successivement trois appels en forme d’impératif pour ouvrir notre cœur à l’avènement du Fils de Dieu, notre Sauveur et Seigneur :
« Veillez, préparez, regardez » :
– « Veillez, car vous ne savez pas le jour quand le Fils de l’Homme viendra » ;
-« Préparez les chemin du Seigneur, aplanissez sa route » ;
– « Regardez : au milieu de vous se tient Celui que vous ne connaissez pas »
Où donc en sommes-nous depuis trois semaines de temps de l’Avent ?
Aujourd’hui nous sommes invités à entrer dans un petit village : Nazareth, pour pénétrer dans une humble maison, celle d’une jeune fille, celle d’une « vierge accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph » nous dit l’évangile de ce dimanche et écoutons avec quelle délicatesse l’évangéliste précise son nom : « et le nom de la jeune fille était : Marie ». Rien qu’à l’écrire, plus encore à le prononcer, l’évangéliste semble bouleversé et nous aussi ce soir : redisons ensemble : « et le nom de la jeune fille était Marie » !
Y en a-t-il parmi vous qui s’appelle Marie ? Venez jusqu’ici. (Leur remettre un chapelet)
Marie, « Myriam » en hébreu, signifie : « Noble Dame ! » voir même « Princesse ». Imaginons ce nom « Myriam » prononcé par les voisines et les amies de Marie, à la fontaine du village, vous savez à 300m au –dessus de la maison, où elles allaient puiser l’eau. Marie, une toute simple jeune fille, que rien ne distingue de ses compagnes. Son humble demeure est à mi pente sur le coteau de Nazareth, bourgade d’une trentaine de famille (aujourd’hui de 80.000 habitants). Sa maison est semi troglodyte, petite construction adossée à une grotte pour y mettre à l’abri de la vermine et de la chaleur le grain et les réserves pour l’hiver. Aujourd’hui, des milliers de pèlerins s’y rendent et peuvent tout au long de la journée, après la messe de 7 heures le matin, s’y recueillir dans la paix et le silence et cela depuis la fin du 1er siècle, peu d’années après l’assomption de Marie. Venez, entrons dans la maison : Marie est là ; elle file la laine en priant les psaumes. Elle est, elle aussi, dans l’attente de la venue du Messie et jusqu’à ce beau matin de l’annonciation, elle ne sait pas où, quand et comment il viendra ; mais elle est là, debout dans l’espérance messianique qu’elle partage avec tout son peuple. Par mon imagination, mais aussi parce que j’aime y entrer souvent, je contemple Marie dans sa pauvre petite maison, inconnue ; je contemple la modestie de l’Incarnation de Dieu. Et voilà que l’inattendu de Dieu –vous ne savez ni le jour ni l’heure- se produit : l’envoyé de Dieu, Gabriel, entre et effleure les oreilles et le cœur de Marie : « Je te salue, comblée de grâce », ensemble : « je te salue comblée de grâce ». Vous avez remarqué ? L’ange ne dit pas : « je te salue Marie », mais « je te salue comblée de grâce » ! Comme dans beaucoup de récits de vocation, Dieu change le nom de celui qu’il appelle. Ici, Marie devient « la comblée de grâce ».
Et j’entends Gabriel ajouter : « Le Seigneur est avec toi ». Ensemble : « Le Seigneur est avec toi ». C’est la parole délicate de Dieu quand il veut rassurer celui qu’Il appelle. Ce sera l’autre nom de Jésus : « Emmanuel », « Dieu avec nous ». Voilà pourquoi Dieu nous envoie son Fils, pour être avec nous ; voilà pourquoi, tout au long de la liturgie, le célébrant vous dit : « Le Seigneur soit avec vous ! » Y croyons-nous comme Marie y a cru en répondant : « Je suis la servante du Seigneur ? »
Dans sa délicatesse toute maternelle, l’Eglise nous donne à méditer aujourd’hui le récit de l’Annonciation. Cette page est l’une des meilleures pour nous préparer à la fête de Noël. Saint-Luc, en bon historien, aura rencontré les habitants qui conservaient précieusement les souvenirs et les traditions de la famille de Jésus et il est fort probable qu’il ait aussi rencontré Marie, elle-même en personne, dont il dira par deux fois « qu’elle gardait toutes ces choses dans son cœur et les méditait ». Il a su magnifiquement exprimer cette expérience mystique d’une humble jeune fille qui n’est rien de moins, et ce n’est pas rien, que la conception « selon la chair » du Verbe de Dieu « conçu du Père » de toute éternité, par l’Esprit-Saint qui vient couvrir Marie de son ombre. Marie comprend, parce qu’elle connaît la bible. Elle est ici devant le merveilleux thème de la « Shekinah » ( ) en hébreu, c’est-à-dire de la « nuée » ou encore de « l’ombre », signe de la présence de Dieu : cette nuée qui planait sur les eaux à l’aube de la création, cette nuée dans laquelle Dieu parlait avec Moïse et par laquelle il guidait son peuple dans sa traversée du désert, etc. Pour cette jeune fille juive, Marie, la parole de l’ange évoquait tout cela. Ah mes amis, si seulement nous connaissions la bible, nous comprendrions bien mieux l’évangile et le Nouveau Testament !
Et voilà que par son « fiat », son « Oui », Marie devient la demeure de la Présence Sacrée. A travers ce langage biblique, Marie a perçu l’essentiel pour s’engager en toute connaissance de cause et, cela, dans la foi. Et si, nous précise Saint-Luc, elle est toute bouleversée, c’est parce qu’elle a compris par l’intime qu’elle est la « choisie entre toutes les femmes », la « favorisée de Dieu » pour accomplir le merveilleux dessein de son amour : sauver son peuple et lui dire son amour de Père.
Et voilà qu’au terme de ce pèlerinage intérieur à la Maison de Marie à Nazareth, « la comblée de grâce », retentit en nous comme une certitude pour aujourd’hui afin de préparer demain, la parole de l’ange Gabriel : « le Seigneur est avec toi » ! Réfléchissez un instant : si seulement nous y croyions, si seulement nous avions la foi, gros comme ce grain de sénevé de l’évangile que j’ai ramené de Nazareth, la face du monde en serait changée. Alors de grâce n’entendez plus comme avant par 4 fois durant la messe : « le Seigneur soit avec vous », mais comme une certitude, une parole certaine : « le Seigneur est avec vous » et à chacun : « le Seigneur est avec toi » ! Nous ne nous laisserions pas gagner par le découragement, le pessimisme, la morosité, la sinistrose ! Car depuis le Fiat de Marie, nous sommes dans les derniers temps, ceux de l’avènement du Royaume de Dieu, à ceci près que le Seigneur requiert aujourd’hui notre propre « Fiat » à la suite de Marie.
Avec Marie, redisons nous aussi : « Voici la servante du Seigneur » :
– Avec vous Mesdames : « Seigneur, voici ta servante » !
– Avec vous Messieurs : « Seigneur, voici ton serviteur » !
– Avec vous les jeunes scouts : « Seigneur, voici tes serviteurs » !
S’il en est ainsi, aujourd’hui encore, par nous et avec nous, le Christ continuera de se « faire chair » : par nos mains appelée à partager l’espérance ; par nos voix appelées à proclamer l’amour de Dieu pour tous, par notre regard posés sur la beauté de Dieu présent dans le plus pauvre ; par notre cœur ouvert à toute détresse ; par notre âme habitée par la Présence d’un Dieu qui se fait Homme.
Alors, achève Saint-Luc, avec une infinie délicatesse : « l’Ange la quitta ».
AMEN !