Mgr Schönborn nous parle de Saint Joseph et de Marie

Ce qui me touche toujours le plus dans la vie de Marie, c’est sa foi. prenons l’Anonciation, c’est un message d’une immense grandeur. Que dit l’Ange Gabriel ? ” Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de david, son père. ” ( Lc 1. 32) Je vous rappelle qu’à Nazareth habitaient les descendants de la maison de David. On sait par l’histoire qu’après l’exil, des descendants de la famille royale de David se sont établis à Nazareth, dont Joseph et peut-être Marie aussi selon une certaine tradition. ” Il règnera sur la maison de Joacob pour les siècles et son règne n’aura pas de fin.” (Lc 1, 33) Cette parole, Marie la gardera dans son coeur pendant trente ans, sans que rien ne se passe.

Il y a d’abord le poids de ce comment : ” Comment cela se fera-t-il ( être mère du Messie) ? Je ne connais point d’homme.” “L’Esprit Saint viendra sur toi.” ( Lc 1, 34-35) Bien des questions sont soulevées. A-t-elle fait le voeu de virginité, comme le disent certains ? C’est possible. Et surtout, les difficultés pratiques : j’ai grandi dans un village. Dans un village, on sait tout de l’autre : ” Ah, elle est enceinte ! De qui ? Elle n’est pas encore mariée ! De qui est cet enfent ? Est-ce qu’elle a trahi Joseph ? Est-ce que Joseph est allé avec elle avant le mariage ?” Que dira la famille ? Le clan de Jésus à Nazareth ? Ils habitent tous là, ses frères, ses soeurs. Que diront les gens ? A la fin du premier siècle a été rédigée une légende qui a circulé, probablement déjà du vivant de Jésus, qui disait que Jésus était le fils d’un soldat romain avec qui Marie avait eu des relations. dans l’Evangile de Jean, les Juifs disent à Jésus : ” Nous ne sommes pas les enfants d’un adultère” ( Jn 8, 41)Cela peut être un des bruits qui couraient sur Jésus.

Malgré toutes ces difficultés à venir, Marie dit : ” Je suis la servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon ta parole.” ( Lc 1, 38) Mais humainement, dans la simplicité de sa vie, quel poids à porter, quel secret !

Je souhaite faire ici une parenthèse sur l’historicité des évangiles de l’enfance. J’ai tellement souffert, dans ma formation de théologie, des doutes qu’on a semés dans nos coeurs, dans nos esprits, sur l’historicité des Evangiles de l’enfance. J’ai écrit un petit livre sur ce sujet qui est épuisé, mais je veux vous donner quelques points de repères parce que c’est très important que nous, les prêtres qui devons annoncer l’Evangile de l’Annonciation, de l’Incarnation, avec notre tête et avec notre coeur, nous ayons foi en ce que nous annonçons. ce ne sont pas des mythes, des légendes, des ” constructions théologiques” comme on nous l’a enseigné. C’est surtout la conception virginale de Jésus qui est remise en questions par bien des exégètes et toute une littérature que vous connaissez- je ne vous citerai pas dan Brown avec le Da Vinci code- qui a été lue par des millions et des millions de personnes dans le monde.

De fait, on dit que Jésus serait le fils de Joseph et les frères de Jésus sont bien connus : Jacques, Joset, Jude et Simon ( cf Mc 6, 3). Nous connaissons donc ses frères, nous connaissons aussi ses soeurs, ” ne sont-elles pas ici chez nous,” disent les gens de Nazareth ( Mc 6, 3) Jacques, le frère du Seigneur, fut le premier évêque, le premier chef de la communauté de Jérusalem. Il existe deux traditions. La tradition orientale dit qu’il y avait eu un premier mariage de Joseph, il s’aagit donc des enfants de ce premier mariage ; il aurait ensuite épousé la Sainte Vierge étant veuf. La tradition occidentale dit qu’il faut comprendre les mots ” frères” et ” soeurs” comme des termes génériques : c’est la famille élargie, le clan.

18annund-06a35Or, il existe un argument historique très important : dès le début du IIe siècle- saint Ignace d’Antioche en est le témoin célèbre-tous les crédos, toutes les confessions de foi sans aucune exception proclament cette affirmation : ” conçu de la Vierge Marie.” Pourquoi cette unanimité ? On nous dit : c’est pour montrer que Jésus est très important ; dans le langage de l’époque, dans l’imaginaire de ce temps, pour qu’il soit élevé au-dessus du commun des mortels, il devait être conçu d’une vierge. C’est historiquement stupide ! Nous avons tout au long du IIe siècle des témoignages juifs qui trouvent cela scandaleux et ridicule. On trouve également le dialogue de Tryphon avec Saint Justin. On a aussi le témoignage de païens qui trouvent cela ridicule. Comment alors les chrétiens auraient-ils inventé une histoire que tout le monde, les Juifs comme les païens, trouve ridicule, pour éléver Jésus, pour le rendre plus grand ? Historiquement, cela ne tient pas et il n’existe qu’une explication à cela : les chrétiens étaient convaincus de cette affirmation comme d’un fait et y tenaient.

Notre foi est basée sur des faits et non sur des mythes, des légendes. La croix est un scandale, mais c’est un fait. On essaie de l’interpréter, de comprendre pourquoi Dieu laisse mourir son fils sur une croix, mais c’est le fait qui existe d’abord et l’interprétation vient ensuite. La tradition de la conception virginale est un fait. On essaie de comprendre pourquoi Dieu a choisi ce chemin. Je vous mets au défi de me donner une explication historique qui tienne pour prouver le contraire ! c’est un fait. De qui ces premiers chrétiens pouvaient-ils le savoir ?

Par qui connaissons-nous Lourdes et cette parole : ” Je suis l’Immaculée Conception” ? Par une fillette de quatorze ans qui a couru auprès du curé de Lourdes en se répétant ce que la Dame avait dit, pour ne pas l’oublier. Elle est entré dans la cure et a lancé : ” Je suis l’Immaculée Conception” ! Le curé a compris que cette phrase ne venait pas de la fillette : c’est vraiment Marie qui lui est apparue. Mais nous n’avons qu’un seul témoin et pourtant, cinq millions de pèlerins vont à Lourdes chaque année. L’Eglise a fait confiance au témoignage de cette fillette qui ne savait ni lire ni écrire.

Pour moi, l’analogie avec la vie de l’Eglise nous aide à comprendre ce qui s’est passé ce jour-là à Nazareth, lorsque l’ange Gabriel est venu saluer Marie. Une seule personne pouvait dire ce qui s’est passé, une seule personne pouvait se souvenir. Cela m’aide, dans ma foi de charbonnier, de penser à Bernadette qui, tant de fois, a dû raconter comment c’était, les paroles qu’elle a dites. Je me permets de faire cette hypothèse, puisque les exégètes font tant d’hypothèses : je pense qu’après la Pentecôte, quand les Apôtres eurent reçu l’Esprit Saint, quand ils furent enfin disposés à accueillir ce secret le plus précieux de l’histoire de l’humanité, qui ne se divulgue pas sur la place du marché, mais se révèle là où des coeurs sont prêts l’accueillir, Marie a pu alors leur en parler car le moment était venu. Comment ne pas penser qu’elle avait gardé dans son coeur cet évènement unique et ces paroles uniques ? Il m’est beaucoup plus facile de faire confiance au témoignage de Marie qu’à des hypothèses de “constructions théologiques” qu’on aurait bâties après coup. Non !

Il y a un autre fait : si Bernadette est restée la seule a pouvoir témoigner de ce qui s’est passé, de ce que la Dame lui a dit, elle n’a pas été la seule a recevoir la présence de Marie, sinon, Lourdes ne serait pas Lourdes. Des milliers et des milliers de personnes, dès le début, ont perçu qu’en ce lieu, Marie était vraiment là ! Même s’ils ne la voient pas, même si nous ne la voyons pas, elle est là, avec sa bonté, sa compassion, sa miséricorde. Tant de pélerins en ont fait l’expérience.

La foi de Marie est basée sur son témoignage qui est unique et que nous rapporte saint Luc, le témoin fidèle, qui a dit lui-même dans son prologue qu’il a fait une enquête minutieuse sur ce qui s’est passé. a côté de ce que Luc nous a transmis, nous avons deux millénaires d’expérience de la proximité de Marie qui confirme ce que les Apôtres ont reçu comme témoignage de Marie.

Pour revenir au récit de l’Annonciation, ce qui me touche beaucoup est le dernier mot : ” Et l’Ange la quitta” ( Lc 1, 38) Ce n’est que tout récemment, par une fidèle de notre diocèse, que j’ai réalisé : ” Mon Dieu, c’est une parole de grand poids.” ” L’ange la quitta. ” Dorénavant, ce ne sera plus que le régime de la foi et rien que la foi. A l’Annonciation, il y a l’ange, mais après, c’est la foi. A Bethléem, les anges apparaissent aux bergers, mais dans l’étable, il n’y a pas d’anges, même si on en met beaucoup dans nos crèches ! Dans l’Evangile, Joseph et Marie entendent le récit des Bergers, mais ne voient plus le récit des anges. Maintenant commence ce long chemin de Marie dans la foi. Thérèse nous l’avait dit : ” Point de ravissements, de miracles, d’extases.” Pas de visions. D’ailleurs, Thérèse n’en avait pas non plus. Trente années, et rien ne se passe. Quelle durée ! Avec dans le coeur ces promesses : ” Il sera grand. Le trône de son père david lui sera donné et son règne n’aura pas de fin”, mais ce règne n’a même pas commencé ! L’endurance est probablement ce qui est le plus dur a atteindre dans notre vie. Le Curé d’Ars a supporté de rester dans ce petit village ” contre sa volonté”, comme il le disait lui-même.

Puis quand commence la vie publique de Jésus, les paroles qui nous sont rapportées sont toutes dures : ” Femmes, qu’y-a-t-il entre toi et moi ?” à Cana ( Jn, 2, 4) ; ” Qui est ma mère ?” ( Mc 3, 33) quand sa famille vient le voir et vut le ramener de force à Nazareth prce que tous dient ” Il a déraillé, il est devenu fou”.

Et enfin, la douleur de la croix. Thérèse en parle ainsi :

” Un prophète l’a dit, ô Mère désolée Il n’est pas de douleur semblable à ta douleur ;” ( strophe 23)

Marie, dans la foi, est notre grand soutien, à nous prêtres. Regardons la foi de Marie. Jésus dit à Marie comme il l’a dit à la païenne : ” Femme, ta foi est grande.” ( Mt 15, 28)

Marie, dans ta grande foi, je peux cacher ma petite foi. Elle est portée par ta foi. Ton ” OUI” englobe mon petit ” oui”. Tu dis “oui” pour tous tes enfants.

Cardinal Schönborn, La Joie d’être Prêtre, p 102 à 104

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