Très chers Frères et Sœurs,
La joie personnelle, familiale et paroissiale est à son comble en ce jour de fête : « Un enfant nous est né, un Fils nous est donné, éternelle est sa puissance », nous venons de le chanter. Dieu est différent des rois de la terre : il naît comme un enfant, fragile, de parents pauvres et émigrés sur une terre étrangère. On attendait plutôt un Messie puissant, fort, riche. Quelle drôle d’idée pour un dieu de se présenter ainsi, en si modeste apparence, entre « le bœuf et l’âne gris » pour le réchauffer, au fond d’une grotte. Jésus dira plus tard : « Qui me voit, voit le Père ». Etonnant : nu, sur la paille de la crèche, comme nu sur le bois de la croix, il nous révèle ce qui est le plus profond, le plus vrai en lui, en Dieu. L’amour se fait faible devant celui ou celle qu’il aime, car on ne peut aimer en dominant. Eh oui, aussi étonnant que cela puisse paraître Jésus dira : « Qui me voit, voit le Père ». En regardant Jésus sur la paille de la crèche comme sur le bois de la croix, je vois le Père. Et il en sera ainsi jusqu’à la fin des temps : si nous voulons voir le Père, Dieu le Père en personne, c’est dans la pauvreté et la simplicité, et non pas dans la richesse et le pouvoir.
Cela s’est passé à Bethléem en Judée.
Bethléem ?, une simple bourgade à 8 km au sud de Jérusalem –comme Polignac pour nous– Souvent mentionnée dans la bible, elle est la patrie d’Elimélek, mari de Noémie et beau-père de Ruth, la moabite et fille de Booz. C’est à Bethléem, parmi les fils de Jessé, que Samuel vient choisir un roi auquel il donnera l’onction : David, vous savez, le petit dernier de la famille que le prophète fait chercher dans les champs : humble berger, il gardait le troupeau de son père. Conformément à la prophétie messianique de Michée, Jésus est « descendant de David ». Le prophète appellera Bethléem « le plus petit des clans de Juda » que Matthieu transformera légèrement en disant que « Bethléem, n’est certes pas le plus petit des clans de Juda ». Là où le prophète soulignait l’humilité dans laquelle naîtra le Sauveur, Matthieu en souligne à l’inverse l’importance en raison de cette même naissance à laquelle il veut donner du panache ! C’était important que le Sauveur naisse à Bethléem et Marie et Joseph connaissait les Ecritures et les prophéties.
Ensemble, entrons dans la grotte pour contempler ce qui s’y déroule :
Après le long voyage de plusieurs jours de Nazareth à Bethléem, 150 km à pied, à dos d’âne pour Marie, à travers les Monts de Samarie puis de Judée, le jeune couple parvient à la ville d’origine de Joseph pour le recensement. Marie sent que l’heure est arrivée : la salle commune n’est pas un endroit pour accoucher. Alors, il se retire discrètement pour descendre en dessous, dans l’étable, dans une grotte : il fait chaud ; il y a de la paille et quelques animaux. Depuis la fin du 1er siècle et jusqu’à ce jour des millions de pèlerins s’y rendent tous les jours pour méditer ce grand mystère de la naissance d’un Dieu – Sauveur du genre humain. Quelle sobriété dans le récit : Jésus est un bébé comme les autres. Puisque Dieu, dit la Genèse, a créé l’humanité à son image, il est normal qu’il se présente à nous comme un petit enfant.
Approchez, semble dire Jésus, écoutez-moi : « Vous les papas et les mamans ici présents, vous qui savez aimer magnifiquement vos enfants, prendre des précautions pour eux, soutenir leur petite tête fragile posé sur le creux de votre bras, surveiller soigneusement la température de l’eau du bain et du lait du biberon, guetter le moindre sourire de contentement et de bonheur, oui, vous les papas et les mamans, comprendrez-vous enfin qui je suis et que je vous ressemble : plein d’amour et de tendresse. Cela vous semble peut-être banal pour moi votre Dieu que de naître ainsi. Je viens vous dire que, moi votre Dieu, je suis aussi un homme. Votre cause est devenue la mienne ; dès la minute de ma naissance, je partage votre vie pour être au milieu de vous « Dieu avec vous » : « Emmanuel » est mon deuxième prénom. Si je suis né dans une mangeoire, c’est parce qu’un jour je serai votre nourriture : « Prenez est mangez, ceci est mon corps ». La mangeoire deviendra la croix de ma passion et l’autel de l’eucharistie. La paille, nourriture des animaux, deviendra pain consacré, nourriture pour votre vie lorsque les prêtres, mes amis si proches, vous donnent le pain de l’eucharistie : « Le Corps du Christ ». C’est moi qu’il vous donne : en avez-vous toujours conscience ? Je suis si heureux de descendre en vous, d’habiter votre corps et votre âme, de devenir un peu de vous pour que vous deveniez un peu de moi, car « je suis le pain qui est descendu du ciel et vous obtiendrez la vie éternelle ».
Voilà pourquoi l’iconographie présentera souvent les langes comme le futur linceul qui enveloppera Jésus dans le sépulcre, au soir du Vendredi Saint et la mangeoire en forme d’autel préfigurant la table eucharistique.
Regardez, mes amis ; contemplez l’évènement : Marie se repose, après l’accouchement et médite tous ces évènements dans son coeur ; Joseph accueille les premiers visiteurs, d’humbles bergers qui ont entendu l’annonce par les anges de Dieu et viennent constater l’heureux évènement ; ils entrent et déjà Jésus ouvre ses petits bras comme pour leur dire : « venez, approchez, c’est pour vous que je suis venu ». Ces bergers représentent les pauvres, dira le pape Benoît XVI, les pauvres en général : les destinataires privilégiés de Dieu. Il faut être pauvre de cœur, avoir un cœur libre, pour comprendre le mystère de Dieu fait petit d’homme.
Et maintenant, avant de rejoindre la joie céleste des anges qu’entendent les bergers, faisons silence quelques instants et disons à Jésus : « viens dans mon cœur d’enfant ; il est comme la mangeoire de la crèche qui veut te recevoir sur la paille de mon amour, comme tout à l’heure tu viendras en moi dans le pain consacré pour me donner ta vie ».
Amen !